Spécialiste de l’économie du risque et de l’assurance, Pierre Picard, professeur d’économie à l’École Polytechnique, considère la crise de la Covid-19 comme « un événement fondateur dans l’histoire de la gestion des risques ». Selon lui, du fait de sa dimension systémique et du choc macro-économique majeur qu’il induit, le risque pandémique sort du cadre des risques catastrophiques traditionnels, qu’ils soient industriels ou naturels. « Sa singularité l’exclut du périmètre de la mutualisation, celle-ci n’ayant plus de sens dès lors que tout le monde est touché », souligne Pierre Picard. De fait, lors de la crise, les couvertures « perte d’exploitation » des entreprises n’ont pas pu jouer dans la majorité des cas.
Proposer de nouvelles modalités de couverture
« L’industrie de l’assurance doit faire évoluer ses offres et proposer de nouvelles modalités de couverture », estime Pierre Picard, « le secteur est conscient de l’enjeu. D’une certaine manière, le risque cyber - à une moindre échelle (pour l’instant) - lui a déjà donné l’occasion d’en mesurer l’importance. Mais lors de la pandémie, les assureurs ont eu une position très conservatrice, voire défensive ». S'appuyer sur un pool d'assureurs, avec une indemnisation garantie par l'État au-delà d'engagements limités des assureurs, lui semble être « une fausse route » : « on entre là dans une confusion entre assurance et assistance ».
Recourir aux mécanismes de capitalisation
Le professeur d’économie propose au contraire de changer en quelque sorte de paradigme. L’idée serait de passer par des mécanismes de capitalisation particulièrement utiles, selon lui, dans le cadre d’un risque systémique, l’État jouant un rôle incitatif via des avantages fiscaux. « Les assureurs doivent davantage s’inspirer des outils financiers comme ils le font en assurance vie et privilégier de nouvelles formes de coopération entre banques et assurances. Ce type de mécanismes qu’utilisent au quotidien les fonds d’investissements permettrait de jouer sur l’hétérogénéité de l’exposition des secteurs de l’économie au risque de pandémie. Il aurait aussi l’avantage pour l’entreprise souscriptrice de pouvoir récupérer dans une certaine mesure son capital s’il n’y a pas eu de pandémie », détaille Pierre Picard.